top of page
Franck Tilmant

  Franck Tilmant, jusqu’alors, connu et reconnu comme musicien chevronné., vit en Normandie, et, lorsque la musique ne l’emporte pas à travers la France, il modèle ses émotions dans son atelier pontaudemérien. Autodidacte, influencé notamment par Alberto Giacometti, Jackson Pollock, Max Ernst ou encore Gerhard Richter, il troque régulièrement contrebasse et guitares contre pinceaux et autres ustensiles lui permettant de s’exprimer en couleurs, en abstraction, en reliefs et en matières.

Artiste polymorphe, il aborde chacune de ses disciplines avec la même envie. Il joue avec les notes comme il le fait avec la matière: Certaines émotions s’exprimeront en mélodie, d’autres en acrylique ou dans un enchevêtrement de couleurs et de matières dont lui seul a le secret.

franck.jpg

Les Grands Espaces

  Lors du premier confinement, en mars 2020, nous avons fait collectivement l’expérience de l’enfermement et de l’isolement. Un temps inédit, suspendu, où ensemble, nous avons vécu la même contrainte : le regard derrière la fenêtre, l’extérieur interdit, notre foyer comme seul paysage. Se sont construits alors des récits intimes, entre salon, cuisine, chambre, balcon ou jardin pour les plus chanceux. Nous avons pris le temps de voyager intérieurement, de laisser notre imagination vagabonde nous emmener vers des confins finalement le plus souvent négligés par nos vies affairées.

 De cet enfermement contraint sont nés les Grands Espaces de Franck Tilmant, suite de la série Palimpseste, dans laquelle l’artiste recouvrait la toile, puis allait rechercher derrière la matière pour découvrir des éléments oubliés. Alors que dans la série Palimpseste, la ligne d’horizon est cachée et se dérobe, une ligne justement est franchie avec le confinement: assumer la ligne d’horizon et le paysage s’il doit exister. Peut-être que la contrainte qui a réduit nos territoires et raccourci notre regard a poussé l’artiste à prendre le contre-pied, et créer des grands espaces dans un monde qui s’est avéré du jour au lendemain clos et réduit.

  Les Grands Espaces sont construits autour d’une ligne d’horizon qui découpe en un tiers-deux tiers la feuille de papier. Le papier permet ce jeu de superposition de pastels secs, gras, stylo, dilués, estompés par l’eau, le chiffon ou grattés à la pointe. Contrairement aux œuvres de la série Palimpseste où Franck Tilmant enlevait de la matière, ici il en ajoute. Notre regard perçoit un lac impressionniste, un champ de blé, une entrée de port à la Turner, une friche industrielle… pourtant Franck Tilmant n’a pas une idée précise de paysage lorsqu’il débute un dessin.

Les Gueules Cassées

  De toutes les techniques de la sculpture, la plus simple à mettre en œuvre, et aussi la plus ancienne, est la technique du modelage à main libre. Elle n’exige pas l’utilisation d’outils particuliers puisque la main du sculpteur suffit à modeler une matière naturelle et malléable comme l’argile ou la cire.

Franck Tilmant utilise d'abord l'argile pour la réalisation des volumes de la série Les Gueules cassées. Ces œuvres sont le fruit d'un long et complexe processus de création au sein duquel la matière naturelle rencontre un matériau bien moins conventionnel : le disque vinyle.


  La production d'un volume est comparable à un lent travail de mue, depuis la mise au jour d'une forme initiale dont ne subsiste en finalité que la trace à travers l’œuvre achevée. En effet, Franck Tilmant réalise d'abord un volume en argile. De la matière, un fragment de corps (le plus souvent un buste) apparaît.

Cette création première et fondamentale pour le reste du processus n'a pas pour but d'être montrée, elle existe de façon éphémère au sein de l'atelier. Sur ce corps d'argile, l'artiste fait fondre des morceaux de disque vinyle ; la matière naturelle et ancienne se trouve alors au contact d'un matériau industriel. Les coulées de vinyle enveloppent peu à peu le corps de terre, en une sorte de masque que l'artiste laisse délibérément parcellaire.

 

  Une fois le vinyle apposé sur le corps, il reste à immerger le volume dans l'eau afin d'éliminer l'argile. Le modelage initial est détruit, définitivement perdu et n'en subsiste que son empreinte de vinyle, qui sera l’œuvre. Il existe une lecture analytique, symbolique de cette pratique singulière. Au niveau de la tradition de l'histoire de la sculpture, on connaît le modelage et le moulage. Ici, Franck Tilmant ne réalise pas un moulage, mais un moule.


  C‘est un travail en série, à tâtons, sans calcul préalable, ni élaboration d’une structure. Un travail qui accepte aussi le raté et l’impasse. La superposition de couches s’effectue de façon mécanique et abstraite, autour d’accidents qui ouvrent d’autres pistes, et le geste s’arrête quand le dessin se suffit à lui-même. Notre regard s’empare de ces paysages et voit ce qu’il veut y voir, sans lassitude. Sans doute est-elle là la force de ces Grands Espaces : ils ne s’épuisent pas. Le regard peut se promener longtemps dans ces espaces énigmatiques et profonds aux perspectives fuyantes. Constructions mentales, déambulation statique et feuille de papier comme unique horizon … comme carnet de voyage d’un confinement.

Cliquez sur le diaporama pour voir les visuels en entier 

  C'est le processus du moulage pris à l'envers. En principe, on réalise un moule qui va permettre la création d' une forme qui sera la production finale. Ici, c'est l'inverse, le volume premier permet de réaliser un moule qui deviendra œuvre.

  On notera que l’œuvre n'existe qu'après une immersion. L'eau symbole de naissance, de cycle donne vie à l’œuvre finale. Alors, la matrice d'argile perd les traces de l'intervention de l'artiste et le corps figuré redevient matière sous l'action de l'eau.

  Le volume final, celui qui est l’œuvre est en réalité la trace de tout le processus créatif. Tel un masque, ou plutôt comme une seconde peau, il a enregistré les traces du modelage initial.

Bien que les corps soient vides, ils conservent la mémoire des gestes de l'artiste. Coquilles emprisonnant des corps fantômes, les œuvres se pénètrent du regard, l'intérieur comme la surface extérieure offerts aux spectateurs.

Contacter Franck Tilmant

  • Instagram
  • Facebook

Textes : ©Samuel Martin ("Les Gueules Cassées")
                 © Sylvie Favier ("Les Grands Espaces")
Visuels : © Franck Tilmant 

bottom of page